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L’existence
et la parution de cet article a été rendue possible grâce à
la générosité
de fondation Brzezie Lanckoronski.
Le service postal des
Scouts Polonais a joué un rôle crucial en maintenant le
contact entre les habitants de Varsovie pendant le Soulèvement
de 1944.
Le 30
juillet la plupart de l'administration de l'occupant allemand
avait quitté la ville où seulement demeuraient les services de
police et les avant-postes armés. Le 31 juillet le
commander-en-Chef de l’armée intérieure commanda le début
des opérations pour les 17heures de l'après-midi suivant. La
majeure partie de la population civile de la capitale l’ignorait ;
ainsi la vie de cette journée dans la ville a suivi son cours
comme à l’accoutumée. En conséquence la manifestation
soudaine et inopinée des combats a pris en défaut la plupart
des gens au centre de la ville, les coupant de leurs maisons et
de leurs familles.
Le plan
stratégique consistait à prendre les ponts sur la Vistule afin
de priver les unités allemandes d’une retraite sur l’autre
rive et d’aider ainsi l'Armée Rouge qui avait déjà atteint
les périphéries de Praga (sur la zone est de Varsovie).
Politiquement, le plan consistait à prendre la capitale afin
d'y installer les autorités légales polonaises avant
l'arrivée de l'Armée Rouge. Le succès de ces opérations fut
partiel. Bien que l’Armée de l’Intérieur ne soit pas
parvenue à prendre le contrôle des ponts, elle libéra
néanmoins de grandes parties de la ville des Allemands et
réussit à y établir une administration militaire et civile
polonaise. Malheureusement les insurgés ne pouvaient pas
éliminer les fortes poches de résistance allemande, qui ont en
effet divisé la ville en plusieurs zones de commandement
polonaises, isolées et entourées par les forces ennemies. La
communication entre ces zones a été maintenue par des
messagers ou des courriers : des garçons scouts âgés entre 10
et 15 ans et des filles guides de rangs « Les Grades
Gris ». « Les Grades Gris » était l’appellation
en temps de guerre du Mouvement de Scoutes Polonais, très
actifs pendant l’occupation, effectuant des opérations de
sabotage décisives et mineures, et qui avant le soulèvement
avaient développé un excellent réseau d'organisation. Dès le
début les scouts polonais furent conscients des problèmes
posés aux civils, comme leur besoin de communiquer avec les
membres de familles séparés. C’est ainsi que l'idée de
créer un service postal scout est apparue.
Le tout
premier service postal a été organisé par le Scoutmaster
Kazimierz Grenda dans la zone de Śródmieście-Południe
(Centre- Sud) le 2 août. Ce service a été limité seulement
à cette zone, mais le 4 août le Quartier Général des Scouts
décida d'installer un service postal pour toutes les parties
libérées de la ville. La poste principale se situait au 28 de
la rue Świętokrzyska. Indépendamment de cela, il y
avait huit autres postes dans les diverses zones : au 2 rue
Szpitalna, au 3 de la place Napoléon, au 4 de la rue d'Okulnik,
au 5 de la rue de Czerniakowska,au 6 de la rue Krasicki (dans la
zone de Mokotów - dans le sud de Varsovie), au 7 de la rue
Wilcza et au 8 de la rue Żelazna. On comptait des boîtes
postales réparties sur quarante sites dans toute la ville.
Toute la
correspondance a dû être limitée à 25 mots maximum et était
dès le début soumise à la censure, afin d'éviter que
l'information militaire et stratégique entre dans les mains
ennemies. Sa livraison était fondamentalement gratuite,
cependant des contributions volontaires sous forme de livres,
vêtements ou de nourriture pour les blessés dans les hôpitaux
étaient vivement acceptées. Le nombre quotidien de lettres
transitant par ce service postal se situait dans une fourchette
moyenne entre 3.000 et 6.000; il y a eu même une pointe à
10.000 le 13 août. Dans les premiers jours il n'y a eu aucun
cachet de la poste. Ceux-ci apparurent le 6 août sous forme de
cercle, comportant en minuscules le poteau du scout et le lys du
mouvement de surveillance. Divers matériaux ont été employés
pour les imprimer. Un des premiers était une pomme de terre
coupée dans sa moitié, avec l'écriture et le logo découpés
à l’extérieur avec un canif. De tels timbres étaient peu
durables et sont aujourd'hui des articles très rares. D'autres
matériaux furent employés aussi bien du linoléum, le
caoutchouc ou des métaux mous. Dès le deuxième mois du
soulèvement le Service Postal Scout (personnel compris) a été
incorporé à l'AK et fut dès lors appelé le « Service
Postal de l’Armée ». Des timbres officiels du Service Postal
Militaire le même mois furent proposés en cinq couleurs,
représentant les cinq zones de Varsovie libérée. Le service
postal a continué à fonctionner jusqu'à la capitulation des
insurgés le 3 octobre 1944.
J'ai
formé la base de ma collection entre les années 1957-1964 et
elle s’est constamment développée depuis. La première
série des lettres de Service Postal Scout s’est retrouvé
entre mes mains d'une manière assez peu commune. En 1956, tout
en enlevant les débris des ruines de la poste principale au
niveau de la rue de Warecka, les ouvriers retrouvèrent le
squelette d'un jeune scout avec un sac postal plein du courrier
non délivré lors du Soulèvement. Ils présentèrent les
lettres à un collectionneur et revendeur de timbres appelé K.
de Julien, espérant faire une certaine somme d'argent sur eux.
Il se trouva que M. de Julien avait perdu son fils dans le
Soulèvement il acheta ainsi toutes les lettres. Il recensa tous
les noms des expéditeurs et des destinataires pour les faire
éditer dans un journal populaire de Varsovie et fixant une
date-limite de trois mois pour toutes ces personnes pour
rassembler leur correspondance. La majeure partie de ce courrier
a été par la suite rassemblée et les quelques dizaine de
lettres restantes sont ainsi entrés en ma possession marquant
le début de ma collection.
Indépendamment
de sa valeur philatélique, on peut également ajouter que cette
collection qui s’est développée au cours des années
représente une valeur historique considérable en raison du
contenu réel de ces lettres. Elles nous révèlent ainsi le
Soulèvement avec les yeux de ses participants : pas seulement
par les soldats d'AK, mais également par la population civile
et même par l’ennemie avec un soldat allemand. Une lettre,
datée du 7 août, comporte une description dramatique de la
façon dont des civils ont été conduits face au tanks
allemands attaquant des positions polonaises. J'ai également en
ma possession une de mes lettres écrites à ma mère qu'elle m’a
de nouveau retransmise en 1957. Plus récemment j'ai montré une
photocopie d'une lettre écrite à mon attention par mon cousin
- une lettre qui n'a été jamais transmise. Malheureusement,
son actuel propriétaire ne la vendra pas, bien qu'il doive
avoir réalisé l’immense valeur sentimentale que cette pièce
de correspondance représente pour moi.
Ma
collection se présente en deux parties :
Le Service
Postal Scout: qui a coopéré avec AK sans être sous son
commandement direct – représente la période pendant laquelle
les cachets de la poste et les marques identiques de la censure
ont été employé avec le lys du mouvement de scouts.
Le
Service Postal Militaire, qui a été apporté par des scouts
sous la commande directe de l'AK - la période où les
timbres-poste des insurgés ont été publiés.
Parmi les
articles les plus intéressants de la première période on
trouve une lettre avec un cachet de la poste exécuté avec une
pomme de terre (une des rares à avoir survécu) ; une lettre
déclarant qu’en échange de la correspondance, le Service
Postal Scouts acceptera la rémunération sous forme de livres
et de vêtements pour des blessés hospitalisés; une lettre
invitant le service éditorial de Robotnik (l'Ouvrier) à
annoncer l’avis de recherche d’une famille disparue ;
lettres écrites sur des chutes de boîtes de cigarette
« Egipskie »; la paraphe «Sous le feu» écrite au
dos d'une carte de visite professionnelle avec un crayon vert,
signifiait que le scout ne pouvait pas la remettre, ou un mot
annonçait « décès du destinataire », et beaucoup
d’autres encore.
L'autre
partie concerne la période du timbre-poste
comprenant
une série de timbres du gouvernement général avec le SERVICE
POSTAL DES «INSURGES» AOÛT 1944 surimprimés. Puis il y eu
les lettres des insurgés avec la version finale des
timbres-poste en cinq couleurs (représentant les cinq zones
tenues par l'AK) toutes sur leurs lettres originales ; seulement
un des deux blocs complets connus de quatre de ces types de
timbre; un timbre-test dans les bruns qui n'a été jamais
publié, dépeignant des insurgés détruisant un tank Tigre et
un timbre publiés par le Gouvernement-en-Exil basé à Londres
pour le fonds de secours aux insurgés, ainsi qu'un schéma
original d’Artur Horowicz. Il eut en outre des faux timbres
des insurgés réalisé pour le courrier de l’après-guerre
tel que celui conçu parArtur Horowicz dépeignant un soldat
polonais salué par sa famille et la reconstruction de Varsovie.
Le dernier a été commandité par le Gouvernement-en-exil pour
son retour prévu vers la Pologne, mais quand la situation
politique a changé tous les timbres furent détruits.
Enfin je
voudrai citer un passage d’un compte rendu du Col. Kazimierz
Iranek-Osmecki sur la façon dont l’espionnage allemand fit un
usage extraordinaire des timbres des insurgés polonais (Droga
cichociemnych, p. 282):
«Bach [le commandant allemand] était généralement
parfaitement au courant de ce qui se produisait sur le champs de
bataille ; il admetta également être au courant des conditions
du côté des barricades tenu par les polonais. À notre
stupéfaction, il mis en avant pour cela son service
d'intelligence apparent efficace. Il avoua avoir copié l'idée
polonaise pour exploiter les égouts en y envoyant des agents,
en général des personnes Volksdeutsch ou des Ukrainiens, dans
les parties de la ville occupées par les Polonais. Ils
pouvaient ainsi retourner dans la zone allemande en se mélant
avec la population de réfugiés. Cependant, il rencontra de
grandes difficultés pour trouver des volontaires, parce que les
gens étaient généralement peu disposés à entrer dans la
ville. Beaucoup qui y sont allés ne sont jamais revenus - ils
furent éliminés par l'AK - alors que beaucoup d'autres n’atteignirent
jamais réellement leur destination et extrapolaient à la place
des rapports basés sur ce qu’ils connaissaient des conditions
avant de partir. Par conséquent, pour montrer qu'ils avaient
réellement infiltré le territoire ennemi, Bach exigea qu'ils
devaient désormais revenir avec un timbre-poste des insurgés.
Cependant, cette mesure s’avérera elle aussi inefficace car
de tels timbres pouvaient être acquis sur les périphéries
auprès des civils quittant la ville, il décréta alors que les
timbres devaient être imprimés avec la date du jour. Dès lors
le nombre de volontaires fut vraiment très limité».
Zbigniew
Bokiewicz, Londres